1959-1969 : une décennie d’exception
Publié le 29/05/2019
Epoque exceptionnelle pour le football alsacien, la période 1959-1969 est marquée par le Racing de Paul Frantz (photo DR), les carrières internationales des Alsaciens Lucien Muller, Jean Wendling et Gérard Hausser et les coups de sifflets de Pierre Schwinté en passant par la naissance des coupes du Crédit Mutuel et le développement de l’enseignement du football. Immersion…
A l’aube des années 60, le football alsacien nage dans une douce félicité. La barre symbolique des 15 000 licenciés vient d’être franchie pour la première fois et plus de 400 clubs sont affiliés à la LAFA lors de la saison 59/60. Une saison historique pour le football alsacien, quatre de ses plus illustres porte-drapeaux – Raymond Kaelbel, François Remetter, Jean Wendling, Lucien Muller – étant alignés d’entrée lors de la rencontre amicale jouée par l’équipe de France face à l’Espagne (4-3) au Parc des Princes le 17 décembre 1959.
Historique pour le football alsacien, cette rencontre face à la Roja l’est aussi pour François Remetter, le portier des Bleus, qui honore ce jour-là sa dernière sélection. Dix mois plus tard, un autre monument du football alsacien, Raymond Kaelbel, tirera également sa révérence sous la tunique frappée du coq à l’occasion d’une rencontre des éliminatoires de la coupe du Monde 62 jouée à Helsinki face à la Finlande.
Un duo en chasse un autre
Remetter et Kaelbel retraités, le début des années 60 marque la fin d’une époque et le début d’une autre. Lancés dans l’aventure tricolore en 1959, Lucien Muller et Jean Wendling vont participer aux grandes heures de l’équipe de France dans la première moitié des années 60, comptabilisant la bagatelle de 42 sélections (26 pour Wendling, 16 pour Muller) en l’espace de cinq ans. Ils jouent au passage une demi-finale l’Euro 60, perdue face à la Yougoslavie au terme d’un match épique (4-5).
Ensemble, ils vivront également leur plus grosse désillusion chez les Bleus, un soir de décembre 1961. Ex-æquo à l’issue de la phase de groupe des éliminatoires de la coupe du Monde 62, Bulgares et Français se retrouvent le 16 décembre à Milan pour un match de barrage. De la partie, Jean Wendling et Lucien Muller s’inclineront avec leurs coéquipiers sur la plus petites des marques, laissant la Bulgarie filer en phase finale au Chili.
Schwinté au sifflet !
Tristement célèbre pour l’équipe de France, le Mondial 62 reste cependant à marquer d’une pierre blanche pour l’arbitrage hexagonal, et plus particulièrement alsacien. Au sommet de l’arbitrage mondial au début des années 60 après avoir notamment participé au JO de Rome en 60, Pierre Schwinté est l’unique arbitre tricolore présent au Chili. Désigné sur deux rencontres, il dirige notamment le quart de finale de la coupe du Monde entre le Brésil de Pelé et Garrincha et l’Angleterre de Bobby Charlton.
Le Strasbourgeois participera également à l’Euro 64 en Espagne et à la coupe du Monde 66 en Angleterre, sifflant notamment la demi-finale entre les Three Lions et le Portugal. Sa carrière terminée, il consacrera sa vie à la LAFA, devenant le président de la commission de propagande et multipliant les initiatives en faveur du développement d’un arbitrage alsacien qui verra arriver dans son sillage deux de ses autres plus grands représentants au début des seventies, les dénommés Georges Konrath et Robert Wurtz.
Éblouissant au sommet du football mondial dans les années 60, le football alsacien continue également de briller sur la scène nationale. Lors de la saison 63/64, les pros du Racing remportent la première coupe de la Ligue de l’histoire face au FC Rouen. Fleuron du football local des années 60, le Racing va porter haut et fort ses couleurs sur le territoire national et même au-delà de ses frontières notamment lors d’une saison 64/65 historique pour le ballon rond alsacien.
Paul Frantz : Monsieur foot !
Arrivé aux commandes du Racing en remplacement de Robert Jonquet, Paul Frantz va le faire rayonner sur la scène européenne dès sa 1ère année en poste lors d’un historique parcours en coupe des villes de Foires. Après avoir éliminé le Milan AC au 1er tour, le Racing sort le FC Bâle puis hérite du FC Barcelone. Incapables de se départager au terme de la double confrontation (0-0 à la Meinau, 2-2 au Camp Nou), Strasbourgeois et Barcelonais jouent un match d’appui en Catalogne.
A l’issue d’un nouveau nul (0-0 ap), les tirs aux buts n’étant pas encore d’actualité à cette époque, c’est à la pièce que va se jouer le sort de cette triple confrontation. Optant pour « face », René Hauss, le capitaine du RCS a la baraka, il vient d’éliminer le Barça dans son antre, qualifiant le Racing pour un quart de finale contre Manchester United. Face à George Best et Bobby Charlton, les Alsaciens seront terrassés à domicile (0-5) et, bien qu’éliminés, reviendront d’Old Trafford avec un historique nul (0-0).
Tacticien d’exception reconnu pour avoir été à l’origine des grands préceptes du football moderne, Paul Frantz va réaliser un second coup d’éclat à la tête du Racing l’année suivante, lui permettant de soulever sa 2e coupe de France lors de l’édition 65/66 face à Nantes en finale (1-0). Période exceptionnelle pour le Racing, le milieu des années 60 l’est aussi pour son attaquant vedette, Gérard Hausser, appelé à 14 reprises en sélection entre 65 et 66.
Les Pierrots font leur nid
Pendant que le Racing fait les gros titres de la presse nationale, à quelques encablures de la Meinau, un autre club alsacien s’installe progressivement dans la paysage du foot amateur. Champions de DH et promus en CFA à l’issue de la saison 63/64, les Pierrots Vauban d’Emile Stahl vont connaître une ascension fulgurante, propulsés au sommet du football amateur français grâce à deux titres de champions de France du CFA en 69 et 70, glanant au passage les éditions 66/67 et 68/69 de la coupe d’Alsace.
Épreuve phare de la LAFA depuis sa reconstruction en 1945, la coupe d’Alsace va, à partir de 1967, partager la vedette avec une nouvelle petite venue dans le milieu des compétitions locales, la coupe du Crédit Mutuel. Initiée par Jean-Philippe Zorès, cadre bancaire, la toute première coupe du Crédit Mutuel se joue lors de la saison 66/67 dans le secteur Haguenau. Parmi les 24 prétendants alignés sur la ligne de départ, c’est le FC Drusenheim qui remporte la mise. Véritable succès populaire par la suprématie locale qu’elle engendre, la coupe du Crédit Mutuel secteur Haguenau se démultipliera ensuite dans les années 70 à travers toute l’Alsace.
Mais revenons à la fin des années 60. Dans le sillage du 2e titre des cadets d’Alsace décroché lors de la coupe nationale 67/68, la LAFA, et plus particulièrement son nouveau Conseiller Technique Régional Ernest Jacky, décide de se pencher de plus près sur l’enseignement du football aux jeunes. Dans la continuité de Paul Frantz, qui a mis sur pied les premiers stages d’éducateurs dans les années 60, Ernest Jacky, en accord avec Aimé Gissy (le secrétaire général de la LAFA), décide de créer les premières écoles de foot, rédigeant lui-même le contenu des séances éducatives transmises aux éducateurs afin être déployées auprès des petits footballeurs en herbe tous les mercredis.
Regroupées dans un livre vendu à 40 000 exemplaires, « L’initiation au football par le jeu », ces séances pédagogiques rencontrent un franc succès et sont aux prémices des premières écoles de foot sorties de terre à partir de 69. Cette même année, Me René Herrmann, président de la LAFA depuis 1967, célèbre le 50e anniversaire de la création de l’instance. Une ligue florissante, qui, en l’espace d’une décennie, a vu son nombre de clubs passer de 415 à 562 et son nombre de licenciés de 15 920 à 23 543. Résolument tournée vers l’avenir et la structuration du football local, la LAFA se concentre à la fin des années 60 sur le développement des écoles de football, la formation des éducateurs et l’accompagnement d’une nouvelle pratique, le football féminin…
Article publié le mercredi 29 mai 2019 à 11:21