1939-1949, la renaissance après le cauchemar
Publié le 29/03/2019
Créée en 1919 dans un contexte de francisation de l’Alsace, la LAFA s’affirme comme un des acteurs majeurs du football français dans les années 30, la voie du professionnalisme épousée par les formations du FC Mulhouse, du RC Strasbourg et des SR Colmar y contribuant grandement. En parallèle, l’éclosion au plus haut niveau de la légende Oscar Heisserer, capitaine des Bleus à sept reprises, permettra notamment au football alsacien d’asseoir son identité française. Malheureusement, l’expansion de la LAFA et du football alsacien va être subitement stoppée par l’éclatement de la Seconde Guerre Mondiale et l’annexion de l’Alsace au 3e Reich. Des années noires qui freinent considérablement l’essor du football local et vont remettre en doute son identité française, de 1939 à sa renaissance, dès le mois de juillet 1945. Focus…
En 1939, la Ligue d’Alsace de Football Association compte 246 clubs et près de 10 000 licenciés. Depuis sa création, elle n’a cessé de croître, et tout porte à penser que son expansion n’est pas prête de s’arrêter. L’instance alsacienne voit grand, des réformes sont lancées et des nouvelles commissions ont été fraîchement élues. Une ère de progrès et de prospérité flotte sur le football alsacien mais ces mesures vont être stoppées brutalement et ne pourront être mis en place avec le début du second conflit mondial, synonyme d’annexion de l’Alsace à l’Allemagne, de dissolution de la LAFA et d’absorption du football alsacien par l’organisation obligatoire du sport allemand.
À la reprise de la saison 1939-1940, les bruits qui courent venant d’Europe sont plus qu’alarmants. Sous la coupe nazie, l’Allemagne retrouve ses réflexes belliqueux et alors que les clubs s’apprêtent à démarrer le championnat, l’état de guerre est prononcé. Certes, l’esprit de la LAFA n’est pas totalement mort. Clandestinement, les dirigeants alsaciens continuent d’œuvrer pour le football local, qu’ils soient en zone libre ou occupée, en restant attachés à leur Ligue régionale. Audacieuse, cette tentative sera finalement vaine, les clubs de foot du territoire finissant par s’affilier par obligation aux championnats allemands sous le nom de « Gaufachwart Fussball ».
Pendant l’occupation, une vague gigantesque d’évacuation voit un tiers des Alsaciens rejoindre les régions du sud-ouest de la France. Exilés en Dordogne, certains dirigeants du Racing décident de se rapprocher du club de Périgueux pour continuer à pratiquer le football. Lors de la saison 39/40, l’entente Périgueux-Strasbourg voit alors le jour et les Alsaco-péridorgins deviennent même champions de Dordogne en mai 1940, s’offrant au passage une participation aux 1/8es de finale de la coupe de France face au FC Sète. De l’autre côté de la France, en zone annexée, les Alsaciens restés au pays résistent à leur manière, utilisant le football pour revendiquer leur identité française sous l’occupation.
Le foot sous l’occupation
Dès la saison 1940-1941, l’occupant allemand organise le championnat de Division d’Honneur en Alsace. Disputé en deux groupes la première saison puis unique lors des exercices 42, 43 et 44, la DH alsacienne est l’occasion pour les supporters et joueurs des formations alsaciennes de revendiquer leur attachement à la France, notamment lors des rencontres l’opposant au Sportgemeinschaft, l’équipe SS du championnat. Championne lors de la saison 41/42, cette formation SS déchaîne les foules sur chacune de ses rencontres, les spectateurs alsaciens se déplaçant dans le secret espoir de les voir… perdre. Lors d’un match entre la Sportgemeinschaft, et le Racing, une anecdote est restée dans les mémoires. Ce jour-là , les Strasbourgeois abordent fièrement un maillot bleu, un short blanc, et des chaussettes… rouges. La symbolique tricolore fit réagir l’organisation allemande, le ‘Sportgauleiter’ qui dira : « les Alsaciens se servent de leur football comme d’un bouclier, pour garder en main leur jeunesse et pour nous ridiculiser ». Îlot de résistance, le FC Mulhouse remportera trois des quatre championnats de DH joués sous l’Alsace occupée, ceux de 41, 43 et 44 avant l’arrêt de la pratique du football en Alsace à l’aube de la saison 44/45, période synonyme d’entrée des troupes alliées en Alsace à partir de novembre 1944.
Au cours d’une saison 47/48 historique, les SR Colmar, ici face à Amiens en 32e de finale de coupe de France, accèdent à la Division 1 et sont demi-finalistes de la vieille dame (photo Médiathèque FFF).
L’après-guerre, tout reconstruire…
Le 22 Juillet 1945, alors que la grande tourmente est terminée depuis seulement deux mois, plus de 300 délégués des clubs alsaciens se réunissent pour élire le Conseil de Libération, un acte important du football alsacien d’après-guerre. Jacques Lambling, le président de la LAFA qui a succédé en 1935 à Georges Levy, mort à Auschwitz en 1944, fait d’Aimé Gissy, le secrétaire général, le véritable artisan de la renaissance de la Ligue. Après six années de cauchemar passées à l’ombre des croix gammées, la LAFA annonce la reprise sportive de la pratique du football sur le territoire. Un vent d’optimisme souffle sur le football local et de nombreux clubs voient le jour. Bien que décimé par les pertes humaines liées au conflit mondial, le football alsacien reprend son expansion. A la reprise officielle des championnats alsaciens lors de la saison 1946/47, plus de 341 clubs sont affiliés à l’instance alsacienne, soit une centaine de plus qu’à sa dissolution huit ans plus tôt. Dans ce contexte florissant, Léon Brunstein, originaire de Sélestat, imagine le projet d’une coupe alsacienne afin de célébrer la renaissance de la LAFA. D’abord appelée « Coupe de la Libération », cette épreuve est rapidement rebaptisée « Coupe d’Alsace ». Pour la première édition, lancée à l’automne 46, 96 équipes sont sur la ligne de départ. A l’arrivée, le FC Colmar soulèvera le premier trophée, vainqueur en finale de l’AS Strasbourg.
Retour dans le professionnalisme
Alors que le football amateur a repris ses droits en Alsace depuis la fin de la guerre, trois formations se distinguent à nouveau dans le giron du professionnalisme, le RC Strasbourg, les SR Colmar et le FC Mulhouse, bien que ce dernier abandonne le monde professionnel dès 1946 après sa relégation en DH. Du côté du Racing, le tandem Heisserer-Matéo va porter le club strasbourgeois jusqu’en finale de la coupe de France en 1946/47, finalement perdue face au LOSC. La saison suivante sera celle des SR Colmar. Deuxième de la D2, l’équipe du Centre Alsace accède à la D1 et réalise un parcours mémorable en coupe de France, éliminé en demi-finales par le RC Lens. Malheureusement, l’élan colmarien sera brisé net avec la mort à 63 ans de Joseph Lehmann, son président, le 15 mai 1949 des suites d’une pneumonie. Orphelin de son mécène, le SR Colmar renonce au professionnalisme dans la foulée. L’abandon du foot pro à Colmar sauve in-extremis le Racing, relégué sportivement, de la descente en D2. Repêché, le RCS est, à la veille des années 50, le seul représentant alsacien dans l’élite du football français.
Photo à la Une : Seulement deux ans après la fin de la guerre, le football alsacien est à la fête avec la participation du RCS à la finale de la coupe de France 1946/1947 jouée à Colombes face à Lille devant près de 60 000 spectateurs (photo Médiathèque FFF).
Article publié le vendredi 29 mars 2019 à 12:25