1929-1939, l’âge d’or du football alsacien
Publié le 27/02/2019
Créée en 1919 dans un contexte de francisation de l’Alsace, la Ligue d’Alsace de Football Association s’affirme comme un des acteurs majeurs du football français au début des années 30 grâce notamment à son président Georges Levy, figure de proue de la création du football professionnel en France. Le FC Mulhouse d’abord, le Racing Club de Strasbourg ensuite puis les SR Colmar, emprunteront tous trois la voie du professionnalisme au cours de la décennie 1929-1939 (ici le FC Mulhouse, premier club alsacien à se lancer dans l’aventure du football professionnel lors de la saison 1932/1933 – photo 100 ans de football en Alsace). Une décennie marquée également par l’éclosion du gamin de Schirrhein, Oscar Heisserer, sous le maillot tricolore. Focus…
Les débuts du professionnalisme
Florissante, la Ligue d’Alsace de Football Association vient de fêter en 1928 son 5000e licencié. A la fin des années 20, le football alsacien est en plein essor, le nombre de clubs y étant affiliés étant passé en une décennie de 39 en 1919 à près de 130 en 1929. Réélu à la tête de l’instance régionale en 1928, Georges Levy décide de se lancer un nouveau combat, celui de la professionnalisation du football. Instigateur de deux textes fondamentaux du professionnalisme – le statut du joueur professionnel et le statut du club utilisant des joueurs professionnels -, le dandy sélestadien réussit à les faire adopter par la Fédération Française de Football. Trois années après le début des tractations, en 1932, le football professionnel est né. Alors que le FC Mulhouse vient de rafler le titre de champion d’Alsace cinq fois consécutivement (1928, 1929, 1930, 1931, 1932), côté coulisses, les discussions vont bon train pour savoir si oui ou non, des clubs alsaciens souhaitent se lancer dans l’aventure du professionnalisme. C’est au restaurant « La Concorde » qu’a lieu une réunion de concertation menée par Georges Lévy entre des clubs comme la FAIG, le Mars Bischheim, le FC Bischwiller, le Red Star Strasbourg ou encore le Racing Club de Strasbourg.
Le FC Mulhouse épouse le professionnalisme
A l’issue de cette entrevue, aucune candidature n’est déposée, mais quelques semaines plus tard, le FC Mulhouse créera finalement sa propre section professionnelle. Premier club à sauter le pas, le FCM participe au tout premier championnat de France professionnel de football, lors de la saison 1932/1933. Un premier exercice douloureux puisque les Fécémistes termineront derniers de leur groupe et seront relégués dans la nouvelle Division 2 professionnelle à son issue. Lors de la saison 1933/1934, un autre club alsacien va adhérer au mouvement et rejoindre le FC Mulhouse en D2, le Racing Club de Strasbourg. Bien que l’AS Strasbourg, seul véritable club bas-rhinois à disposer d’infrastructures dignes du niveau national avec son stade Tivoli, soit à l’époque le club phare de l’agglomération strasbourgeoise et du Bas-Rhin en compagnie du FC Bischwiller, c’est finalement le Racing Club de Strasbourg qui créera sa section professionnelle sous l’impulsion de son président d’honneur, un certain Emile Mathis. Constructeur automobile dans le quartier de la Meinau, l’industriel strasbourgeois est à l’époque l’un des plus grands constructeurs automobile français. Son impact dans la transformation du Racing est colossal et permet au club créé en 1906 de s’installer durablement dans le giron professionnel du football français. Emmenés par Fritz Keller, la grande révélation de cette saison 33/34, les Strasbourgeois accèderont à l’élite du football professionnel français après une seule saison passée dans son antichambre, au terme d’une saison 1933/1934 exceptionnelle pour le football alsacien qui verra également les Mulhousiens de Pierre Korb retrouver la D1 une seule saison après l’avoir quittée.
Heisserer, l’étoile montante
Année faste pour le football professionnel alsacien, 1934 est, du côté des amateurs, l’année de la confirmation pour le FC Bischwiller. Champion d’Alsace en 1933, le FC Bischwiller s’orne en 1934 de sa troisième couronne régionale après celles de 1925 et de 1933. Dans cette équipe, un joueur va éclabousser l’Alsace de son talent, le bien nommé Oscar Heisserer. Sélectionné en équipe de France Amateurs pour la première fois le 10 mai 1934, l’enfant de Schirrhein ne va pas laisser de marbre les recruteurs d’un Racing qu’il rejoindra la saison suivante. 16 ans après avoir rallier le football français, le ballon rond alsacien vit en cette année 34 ses plus belles heures. Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, les montées du FC Mulhouse et du RC Strasbourg sont récompensées par les appels en sélection de Pierre Korb et de Fritz Keller pour participer au Mondial italien. Si Pierre Korb n’entrera finalement pas en jeu pendant cette coupe du Monde, le Strasbourgeois Keller sera titularisé face à l’Autriche en huitième de finale, faisant de lui le premier joueur alsacien à participer à une phase finale de coupe du Monde.
Appelé à huit reprises en bleu, le benjamin de la famille Keller inscrira trois buts en sélection dont le dernier, face à la Yougoslavie en 1936, marquera aussi les grands débuts sous le maillot tricolore d’Oscar Heisserer. Un Alsacien s’en va, un autre arrive. Dès ses débuts, Oscar Heisserer éclabousse la France du football de son talent. L’attaquant vedette du Racing, qu’il emmènera d’ailleurs en finale de la coupe de France 1937 face à Sochaux, va connaître un fabuleux destin en Bleu. Sept fois capitaine de l’équipe de France, Oscar Heisserer endossera la tunique frappée du coq à 25 reprises, inscrira huit buts et participera notamment au Mondial 1938 disputé en France, scorant au passage lors du quart de finale perdu (3-1) face à l’Italie. Qualifié de meilleur joueur alsacien de tous les temps, le triple vainqueur de la coupe de France avec le RC Paris sera malheureusement privé de ses plus belles années de footballeur par l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale. Si Oscar Heisserer a marqué à jamais de son empreinte la deuxième moitié des années 30 du football alsacien sur la scène internationale, au niveau local, la période 1935/1939 a aussi été marquée par l’apparition dans le giron professionnel d’un troisième club alsacien – les SR Colmar de Joseph Lehmann – et par la passation de pouvoir au sein de la LAFA entre Georges Levy et Jacques Lambling. Dirigée par son fondateur depuis sa création en 1919, la LAFA vit le 24 juin 1935 ce que l’histoire appellera par la suite « la révolution de palais ».
Au terme d’une assemblée générale agitée, Jacques Lambling, véritable représentant du football amateur, est élu président de la LAFA, nommant en qualité de secrétaire général une personne qui jouera un rôle majeur dans la reconstruction du football en Alsace après 1945, le renard argenté Aimé Gissy. A la nomination de Jacques Lambling en 1935, la Ligue d’Alsace est en pleine expansion, comptabilisant plus de 200 clubs et 8000 licenciés. Si sa première mission consiste à fédérer le football alsacien, elle va être stoppée en plein développement par le début de la Seconde Guerre mondiale. Avec l’annexion de fait du territoire, le LAFA est dissoute en 1939 et le football alsacien est absorbé par l’organisation obligatoire du sport allemand. Toute activité footballistique sur les terres alsaciennes est arrêtée, une grande éclipse commence à l’ombre d’un conflit qui coûtera la vie à de nombreux footballeurs alsaciens et également à Georges Levy, le premier président de la LAFA, décédé à Auschwitz-Birkenau, en Pologne, le 12 mars 1944.
Article publié le mercredi 27 février 2019 à 12:18