En quête d’un avenir meilleur

Publié le 19/10/2016

Contraint à l’exil en mars 2014 en raison de la crise ukrainienne, Denys Gryshakov a trouvé refuge à Strasbourg. Dans la rue depuis plus de deux ans, le footballeur ukrainien qui joue désormais à Schwindratzheim devrait voir l’horizon s’éclaircir après l’obtention récente de son titre de séjour. Rencontre.

Jogging, sac de sport et sourire en coin. Au premier abord, rien ne laisse penser que cet homme au visage encore juvénile vit dans une situation de grande précarité. Et pourtant, depuis plus de deux ans, le quotidien de Denys Gryshakov est fait de centres d’hébergement et de files d’attentes aux restos du cœur. Une vie de galère précipitée par une crise politique ukrainienne débutée fin 2013 entre les séparatistes pro-russes et les pro-européens. Victime collatérale de ce conflit d’Europe de l’Est, le jeune adulte né ukrainien mais d’origine russe n’a eu d’autre choix que de quitter Kiev, ville dans laquelle il suivait des études dans la restauration, menacé de représailles en raison de ses origines. Né à Altchevsk en 1992, il vient de la région du Donbass à l’Est de l’Ukraine, foyer de la rébellion et véritable zone de guerre depuis début 2014. « Je ne pouvais ni rester à Kiev car c’était beaucoup trop dangereux pour moi, ni retourner dans ma région natale car j’aurais dû m’engager dans l’armée ukrainienne et combattre les personnes de ma communauté, » déclare Denys Gryshakov dans un français travaillé.

Le foot comme exutoire
Contraint à l’exode, le jeune ressortissant ukrainien prend la direction de la Pologne avec une centaine d’euros en poche. « Je ne savais pas du tout quoi faire ni où aller. En Pologne, j’ai pris le vol low-cost le moins cher, » se souvient-il. Un vol à destination de Grenoble, première étape de ses nombreuses pérégrinations à travers la France et les villes de Marseille, Paris, Reims puis finalement Strasbourg. « A Paris, j’ai dormi pendant plusieurs jours sous les ponts, c’était horrible. » Débarqué à Strasbourg à la mi-mars 2014, Denys vit de longs mois de galère, seul, sans domicile, dans un environnement totalement inconnu. Dans ce marasme ambiant, il garde pourtant le cap grâce au sport, son seul véritable exutoire. Sportif confirmé, le jeune homme est surtout amateur de football, lui qui a côtoyé deux centres de formations dans son enfance en Ukraine (au FC Stal Alchevsk puis au FK Zorya Louhansk). Cet amour du football, il ne l’a jamais perdu et ce sport va joliment lui rendre. « Un matin, j’ai trouvé des chaussures de foot dans la rue et je me suis rendu à l’Armée du Salut avec, c’est là-bas que j’ai rencontré Samuel. » Bénévole à l’Armée du Salut, Samuel Raveau est à l’époque en service civique à la LAFA et pilote de l’opération un ballon pour l’insertion.

Le bout du tunnel
Une aubaine pour Denys qui va y faire des rencontres déterminantes. A l’image de celle avec Karim Rajaoui, un éducateur sportif de la ville de Strasbourg ayant participé au lancement de l’opération. Recroisé il y a quelques mois à un de ses cours de boxe, l’éducateur strasbourgeois va le mettre en relation avec un de ses collègues, Luc Goetz, bénévole au FC Schwindratzheim, club en quête de joueurs. « Luc m’a proposé de venir jouer dans son club, j’ai tout de suite accepté. » Touché par sa situation, Luc Goetz va le prendre sous son aile et l’accompagner dans ses démarches administratives pour l’obtention de sa carte de séjour. « Ma demande a été acceptée, je vais enfin pouvoir travailler, » souligne l’Ukrainien polyglotte qui vivotait grâce à des cours de traduction. Si pour le moment les coups de téléphone au 115 restent quotidiens, Denys entrevoit désormais le bout du tunnel. Son titre de séjour en poche, la perspective d’occuper un emploi le galvanise. De façade depuis de longs mois, le sourire de Denys Gryshakov rayonne à nouveau sur son visage. Le visage d’un jeune homme de 23 ans qui, malgré les épreuves de la vie, ne rêve que de la croquer à pleines dents.

Article publié le mercredi 19 octobre 2016 à 10:39

Par S D

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